Danse de la Tête de cochon / Baile de la Cabeza de cochino

La "Tête de cochon"! Non, ce n'est pas un homme têtu! C'est la tête du vrai cochon, lors d'une fête maya très curieuse...

Il y a peu, le 20 février dernier, El Chilam Balam a présenté sur sa page de Facebook et sur Twitter la "Danse de la tête de cochon", U yóok'osta'al u pool k'éek'en, telle qu'il a pu y assister à Sitilpech, près d'Izamal, à l'est du Yucatán.

Je m'étais déjà fort intéressée à ce thème lors de mon voyage de 2013 au Yucatán, car l'une des grandes scènes du Musée de Yaxunah représente justement cette festivité. Parmi les animaux de la ferme, j'ai une sympathie particulière pour le héros de la fête, et par ailleurs la taille du tableau, le nombre de ses personnages en faisaient l'un des plus vivants et spectaculaires du Musée.

Baile de la cabeza de cochino en Yaxunah
Danse de la tête de cochon à Yaxunah
(photo N. Genaille)

En fait, il s'agit de "tuer le cochon", et comme dans toutes les civilisations où le porc est à la base de l'alimentation, c'est le prétexte d'une grande fête. Je ne peux pas m'empêcher de penser au peintre Pierre Bruegel l'Ancien, qui dans son tableau du Pays de Cocagne, figure un porc bien vivant, mais avec une tranche de lard entaillée sur le dos, et le couteau à découper accroché à la couenne de son flanc: dans ce pays imaginaire de l'abondance où tout est à portée de main, le cochon apporte lui-même à l'homme de quoi se servir de sa chair... (photo infra)

À Sitilpech, la journée avait commencé par l'abattage du cochon, entre autres animaux, et l'on a ensuite fait cuire sa tête dans  le four spécial creusé dans le sol, appelé píib. Ensuite la tête a été déposée sur un plateau (El Chilam Balam la montre en gros plan) pour être préparée et ornée de rubans et drapeaux: elle doit être portée en procession sur la tête de l'un des danseurs. Les danseurs ont fait le soir le tour du village, portant la tête du cochon sacrifié, et la fête s'est terminée par le repas.

Un peu auparavant, le 1er février, El Chilam Balam avait aussi diffusé sur Facebook une brève vidéo d'une Danse de la tête de cochon réalisée lors de l'ExpoCampo Yucatán 2015 au Centre des Congrès Siglo XXI de Mérida par des jaraneros d'Oxkutzcab et de Kimbilá, accompagnés par la fanfare de Tixméhuac (sud du Yucatán). On y voit bien que la fête est centrée sur deux éléments, le plat porté sur la tête de l'un des danseurs, et le mât d'où partent les rubans de couleurs variées qui permet la "Danse des rubans", emblème du Yucatán.
À Yaxunah, le tableau montre un cochonnet rieur entre les jambes des danseurs (photo infra): il a l'air loin de se douter du sort qui l'attend probablement.

Baile de la cabeza de cochino en Sitilpech

Danse de la tête de cochon à Sitilpech

(foto archivo El Chilam Balam)

Transposition maya de festivités de la Conquête espagnole? Non, cette cérémonie est très ancienne.

À l'exposition récente du Musée du Quai Branly, une statuette du Classique récent (600-800 ap. J.-C.) figure un personnage (prêtre, danseur?) coiffé d'une tête de cerf (kéej). Lors de ma visite avec l'archéologue maya Fátima Tec Pool, celle-ci a immédiatement fait le rapprochement avec notre danse, et m'a signalé qu'on peut relier plusieurs représentations anciennes incluant le cerf à des figurations plus récentes du porc, après l'introduction de cet animal chez les Mayas par les Espagnols (photo infra).

El Chilam Balam m'a donné une autre clef. Il m'a en effet signalé un ouvrage sur le théâtre yucatèque (A. Barrera Vásquez, A. Cervera Andrade, L. Peniche Vallado, El teatro en Yucatán, 2009), où les auteurs donnent des exemples de fêtes anciennes qui ont été selon eux à l'origine des représentations théâtrales: la plus caractéristique leur paraît justement le kub-pol (k'uub, offrande et pool, tête) qui était célébré les trois premiers jours de mai et qui était l'offrande d'une tête de pécari (kitam) sur un autel orné d'une Croix maya. Selon les auteurs, les deux premiers jours de la fête étaient consacrés à la confection de la nourriture offerte, c'est-à-dire au juch'arepa et au pib: les arepas sont de petits pains de maïs ronds et durs qu'on pouvait enfiler en guirlandes de décoration. Et c'était le troisième jour que dans un grand terrain on priait, chantait et dansait la jarana, avec des pauses où intervenait un couple d'acteurs comiques.

Cerf, pécari, ce sont des animaux de la jungle, et il me paraît clair qu'à l'origine, la danse et l'offrande étaient en rapport avec la chasse. Du pécari au porc, on passe du monde maya antique au monde moderne, mais c'est dire combien les traditions "folkloriques" des Mayas actuels sont ancrées dans un lointain passé: comme l'ont si bien dit au Colloque d'octobre au Quai Branly les archéologues françaises, il n'y a pas eu de "fin" dans le monde maya.

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Una ¿"cabeza de cochino"? En francés, la expresión es sinónimo de "cabezón"... Pero aquí se trata de la cabeza de un verdadero cochino, en una fiesta maya extraña.

Hace poco, el 20 de febrero pasado, El Chilam Balam presentó en su pagina de Facebook y en Twitter el "Baile de la cabeza de cochino", U yóok'osta'al u pool k'éek'en, como pudo verla en Sitilpech, cerca de Izamal, en el oriente del Estado de Yucatán (foto supra).

Me interesó mucho ese tema durante mi viaje a Yucatán en 2013, pues una de las grandes escenas del Museo de Yaxunah presenta esta ceremonia. Entre los animalitos del campo, me gusta especialmente el héroe de la fiesta; también la escena muy grande y con muchos personajes es una de las más vivas y espectaculares del Museo (foto supra).

Claro, se trata de matar al cochino, y como en todas las civilizaciones en donde la carne de cerdo hace una parte importante de la alimentación, es el pretexto a una gran fiesta. Me hace pensar en el País de Jauja del pintor Pedro Bruegel el Viejo, en donde pasa un cerdo bien vivo pero con una loncha de carne cortada en su espalda, y un cuchillo colgado al tocino de su lado: en el país imaginario de la abundancia, en donde todo está a mano, el cochino mismo da al hombre el utensilio para tomar su carne.

(Bruegel, Le Pays de Cocagne, détail

El País de Jauja, detalle)

En Sitilpech, el día comenzó por matar al cochino entre otros animales, y su cabeza fue cocida en el horno especial cavado en el suelo, el píib. Después la cabeza fue puesta en un plato (El Chilam Balam muestra la foto) para estar preparada, y ornada con cintas y banderas. Debe ser llevada en procesión en la cabeza de uno de los bailarines. De hecho, en la noche los bailarines hicieron una vuelta en el pueblo, bailando y llevando la cabeza del cochino, y la fiesta se terminó por la cena.

Un poco antes, el primero de febrero, El Chilam Balam había también difundido en Facebook un breve video de otro Baile de la cabeza del cochino hecho en el ExpoCampo Yucatán 2015 en el Centro de Convenciones Siglo XXI en Mérida, por jaraneros desde Oxkutzcab y Kimbilá, acompañados por la charanga de Tixméhuac (pueblos en el sur del Estado). Se ve bien en el video que las dos cosas más importantes en la procesión son el plato llevado en la testa de un bailarín, y el palo con cintas de varias colores con el cual se baila el "Baile de las cintas", emblema de Yucatán.

En Yaxunah, en la gran escena, un cochinito riendo entre las piernas de los bailarines no parece darse cuenta del destino que lo espera probablemente...

(Yaxunah, Baile de la cabeza de cochino, detalle del cochinito

Yaxunah, Danse de la tête de cochon, détail du cochonnet

photo N. Genaille)

Estaría esa fiesta ¿una transposición en el mundo maya de fiestas de la Conquista? ¡Claro que no! Es una ceremonia muy antigua.

En la exposición reciente en el Museo del Quai Branly, una figurina del Clásico tardío (600-800 d. C.) figura un personaje (¿sacerdote o bailarín?) llevando en la cabeza una cabeza de venado (kéej). Cuando yo visité la exposición con la arqueóloga maya Fátima Tec Pool, ella de pronto pensó en nuestro baile, y me comentó que se pueden relacionar varios antiguas representaciones del venado con otras más recientes incluyendo un cerdo después de la introducción de ese animal entre los mayas por los españoles.

(Quai Branly)

El Chilam Balam me dio otra llave para entender la ceremonia, pues me señaló un libro sobre el teatro (A. Barrera Vásquez, A. Cervera Andrade, L. Peniche Vallado, El teatro en Yucatán, 2009). En ese libro los autores comentan ejemplares de fiestas antiguas de las cuales las representaciones de teatro yucateco tendrían su origen. Y la más característica les parece el kub-pol (k'uub, ofrenda y pool, cabeza) que se celebraba en los tres primeros días del mes de mayo. Se ofrecía en ella una cabeza de jabalí (kitam) ante el altar de la Cruz maya. Según los autores, los dos primeros días se dedicaban en hacer la comida, es decir al juch'arepa y al pib: las arepas son pequeños panes rotundos y duros de maíz con los cuales se podían hacer guirnaldas para la decoración. El tercer día, "en un santuario especial, situado en medio de un gran solar", se rezaba, se cantaba, y se bailaba la jarana, con descansos durante los cuales hacía su aparición una pareja de actores cómicos.

Venados y jabalíes son animales de la selva, y me parece claro que al principio el baile y la ofrenda fueron relacionados con la caza. Del jabalí al cerdo, vamos del mundo maya antiguo al mundo moderno, lo que muestra cómo las tradiciones de los mayas de hoy están arraigadas en un antiguo pasado: como lo dijeron tan bien las arqueólogas franceses en el Coloquio de octobre en el Quai Branly, no hubo un "fin" en el mundo maya.