lundi 18 janvier 2016

Apprentissage d'un jeune gaucho / Aprendizaje de un joven gaucho

gaucho

Je découvre Don Segundo Sombra de l'écrivain argentin Ricardo Güiraldes...
Estoy descubriendo Don Segundo Sombra por el escritor argentino Ricardo Güiraldes... (vean el articulo en español en la segunda parte).


"Je lui enlevai le frein qu'il commençait à prendre l'habitude de ronger, et j'allongeai l'entrave le plus possible pour qu'il boive tranquillement. L'isabelle approcha de l'eau, qu'il toucha d'une babine prudente et, pressé par la soif, il but [...] sans écarter de moi son oeil vivace. C'était un bon cheval, sauvage encore et chatouilleux par méfiance. Je le regardai avec un orgueil de maître et de dresseur, car j'étais sûr qu'il deviendrait bientôt une bête enviable. Les gorgées se succédaient avec la régularité d'un battement de pouls. Il leva la tête, se rinça la bouche en relâchant les babines au passage de sa longue langue rose. [...]
- Comadreja, dis-je bas, l'appelant par son nom.
L'isabelle se retourna vers moi, souffla, comme inquiet, et commença à mordiller les fines graminées de la rive.  [...]
Mon regard tomba sur la rivière dont le courant à peine perceptible faisait près de moi une fossette, comme le rire dans la joue lisse d'un enfant.
Ainsi j'évoquai un souvenir qui semblait perdu dans les ennuyeuses brumes de mon enfance.  [...]
J'avais tenté une récapitulation des mornes jours de mon existence villageoise et  [...] résolu de la rompre par un brusque changement.
C'était près d'un groupe de maisons, au bord d'un ruisseau.  [...]
Béni le moment où ce gamin eut l'idée de fuir la sotte maison de ses tantes. Mais en avais-je moi-même le mérite?
Je pensai à don Segundo Sombra, qui en passant par mon bourg, m'avait entraîné à sa suite, comme il aurait pu emporter une brindille des haies après sa cotte.
Cinq ans étaient passés  [...], de ceux qui font, d'un enfant, un gaucho, quand on a eu la chance de les vivre auprès d'un homme comme celui que j'appelais mon parrain. Ce fut lui qui me guida patiemment dans toutes les connaissances de l'homme de la pampa. Il m'apprit les savoirs du resero, les artifices du dresseur, le maniement du lasso et des lanières à boule, la science difficile de former un bon cheval  [...] À le voir à l'oeuvre, je devins habile à la préparation des lanières de cuir pour tous usages  [...]. Je devins, sous sa surveillance, le médecin de mes chevaux  [...].
Il m'apprit aussi la résistance et l'énergie  [...]"
(1926, traduction de Marcelle Auclair, revue par Jules Supervielle).

Ce livre que je suis en train de savourer à gorgées régulières, comme boit ici le cheval du jeune héros, m'ouvre de nouvelles perspectives sur l'Amérique latine...

J'avais eu un aperçu du monde mythique des gauchos chez Borges, ici grâce à Güiraldes je suis plongée dans la réalité de leur vie. Dans le texte espagnol, les dialogues en langue familière alternent avec des descriptions très poétiques de la nature, et des explications techniques dont le vocabulaire me dépasse. Et les termes argentins spécifiques abondent. C'est tout un univers que le livre ouvre à moi... Mon professeur, plus au fait des termes mexicains, doit lui aussi, parfois, faire des recherches, et je me suis offert cette bonne traduction française pour revoir après coup les passages que nous venons de traduire et les fixer dans mon imagination.

Le joli texte que j'ai choisi de vous citer ici donne bien l'atmosphère et le thème de ce roman d'apprentissage d'un jeune orphelin qui abandonne son village et une enfance malheureuse pour devenir gaucho. Son mentor, qui donne son nom à l'ouvrage, figure mystérieuse et intéressante, me réserve encore des surprises, je pense. Je l'ai laissé en train de narrer un joli conte de sorciers comme je les aime, récit en abisme dans le récit, qui s'enrichit décidément au fil de la lecture... J'espère vous donner d'autres nouvelles de mes découvertes.

en la pampa

"Le saqué el freno que recién se estaba acostumbrando a cascar; le aflojé el maneador lo más posible para que bebiera tranquilo. El bayo se arrimó al agua, que tocó con cauteloso hocico, y apurado por la sed bebió a sorbos interrumpidos, sin apartar de mi su ojo vivaz. Era un buen pingo arisco aún y lleno de desconfiadas cosquillas. Lo miré con orgullo de dueño y de domador, pues estaba seguro de que pronto sería un chuzo envidiable. Los tragos pasaban con regularidad de pulso por su garguero. Levantó la cabeza, se enjuagó la boca, aflojando los belfos al paso de su larga lengua rosada. [...]
-Comadreja - dije bajo, llamándolo por su nombre.
El bayo se volvió hacia mi, resopló como inquieto y comenzó a mordisquear la fina gramilla ribereña.  [...]
Mi vista cayó sobre el rio, cuya corriente apenas perceptible hacía cerca mío un hoyuelo, como la risa en la mejilla tersa de un niño.
Así, evoqué un recuerdo que parecía perdido en la aburrida bruma de mi infancia.[...] Intenté una recopilación de los insulsos días de mi existencia pueblera, y resolví romperla con un cambio brusco.
Era a orillas de un caserío, a la vera de un arroyo [...].
Bendito el momento en que a aquel chico se le ocurrió huir de la torpe casa de sus tias. Pero ¿era mío el mérito?
Pensé en don Segundo Sombra que en su paso por mi pueblo me llevó tras él, como podía haber llevado un abrojo de los cercos prendido en el chiripá.
Cinco años habían pasado [...]. Cinco años de esos hacen de un chico un gaucho, cuando se ha tenido la suerte de vivirlos al lado de un hombre como el que yo llamaba mi padrino. Él fue quien me guió pacientemente hacia todos los conocimientos de hombre de pampa. Él me enseño los saberes del resero, las artimañas del domador, el manejo del lazo y las boleadoras, la difícil ciencia de formar un buen caballo [...]. Viéndolo me hice listo para la preparación de lonjas y tientos [...]. Me volví médico de mi tropilla, bajo su vigilancia [...].
También por él supe de la vida la resistencia y la entereza en la lucha [...]"
(Don Segundo Sombra, 1926)

Estoy saboreando ese libro a sorbos, como bebe el caballo del joven héroe, y eso me abre nuevas perspectivas sobre América latina...

Había echo un vistazo del mundo mítico de los gauchos leyendo Borges pero aquí gracias a Güiraldes me hundo en la realidad de su vida. En el texto, los diálogos en lengua familiar están alternando con descripciones muy poéticas de la naturaleza, y explicaciones técnicas cuyo vocabulario me pone mala. Y las palabras argentinas especificas abundan. Es todo un universo que me abre el libro... Mi maestro, más acostumbrado a las palabras mexicanas, debe también a veces hacer investigaciones. Entonces me regalé a mi mismo una buena traducción al francés para releer, después de nuestras clases, las partes que acabamos de leer, y fijármelas en mi imaginación.

El bonito texto que les cito aquí da una buena idea de la atmosfera y del tema de esa novela de aprendizaje de un joven huérfano que se va de su pueblo y abandona su niñez triste para volverse gaucho. Su mentor, que da su nombre al libro, es una figura misteriosa e interesante quien, pienso, me reserva otras sorpresas. Lo dejé narrando un bonito cuento de brujos, como tanto me gustan: es un relato en abismo en ese relato que se enriquece a lo largo de la lectura... Espero bien darles noticias de mis descubrimientos... 


bebiendo el mate

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