samedi 17 septembre 2016

In t'aan Mi lengua : un poema de Sasil Sánchez / Ma langue, poème maya de Sasil Sánchez

xNuk Ya'axche' la Gran Ceiba la Grande Ceiba
tejido bordado tissu brodé (Xocen)
Mérida, Gran Museo
(foto N. Genaille)

Voici un très beau poème de la jeune écrivaine Sasil Sánchez (son prénom, sáasil en maya, veut dire lumière). Elle a écrit le texte maya et la traduction espagnole, et je l'ai traduit en français et accompagné d'un commentaire en deux langues.

Aquí está un muy hermoso poema de la joven escritora Sasil Sánchez (su nombre, sáasil en maya, quiere decir luz). Escribió el texto maya y la traducción al español, y yo lo traduje al francés  con un comentario en dos lenguas.




IN T'AAN

In t'aane junkóots in wíinkilal
Bix úuchak in xíimbal xma'ookil
Bix úuchak in pakta'al wa mina'an in wich.
In t'aane' juntúul jnuxib wíinik
ku xíimbal yéetel u xóolte'.
U t'úuymaj u chúuj ti'al u síik jump'íit siisja' ti' máax uk'aj.
In t'aane' juntúul ki'ichpan xnuk ko'olel
Ku láaj much'ik u paalal yáanal u bóoch', ti'al u k'iinkunsiko'ob.
In t'aane', ki'ichkelem k'aay.
In t'aane', u moots xNuk Ya'axche'
In t'aane', ixi'im síijsik wíinik.
In t'aane', u chíikulil kuxa'anen.

Sasil Alejandra Sánchez


MI LENGUA

Mi lengua es una extensión de mi cuerpo.
¿Cómo he de caminar sin pies?
¿Cómo han de verme sin rostro?
Mi lengua, es un anciano
que va caminando apoyado de un bastón.
Carga al hombro un calabazo para regalar agua fresca al sediento.
Mi lengua es una hermosa anciana
que protege a sus hijos con su rebozo para darles calor.
Mi lengua, canto hermoso.
Mi lengua, raíz de la Gran Ceiba.
Mi lengua, maíz que engendra al hombre.
Mi lengua, es señal de que estoy viva.

Sasil Alejandra Sánchez


MA LANGUE

Ma langue est un lambeau de mon corps.
Comment pourrais-je marcher sans pieds?
Comment pourrait-on me voir si je n'ai pas de visage?
Ma langue est un vieil homme
qui se promène avec sa canne.
Il porte une calebasse pour offrir de l'eau fraîche à l'homme assoiffé.
Ma langue est une belle vieille dame
qui abrite ses enfants de son écharpe pour les réchauffer.
Ma langue, ce beau chant.
Ma langue, racine de la Grande Ceiba.
Ma langue, maïs d'où naquit l'homme.
Ma langue, le signe que je suis vivante.

traduction Nicole Genaille


Comentario

In t'aan Mi lengua: claro el el lenguaje más que la parte del cuerpo. Es por eso que S. Sánchez traduce "extensión" en la primera linea. La palabra maya junkóots quiere decir un jirón, un trozo arrancado del cuerpo, y se compara allí su necesidad a la de las piernas o del rostro.
Pero la lengua (lenguaje) no está sólo nacida de la lengua (parte del cuerpo). Es, por una hermosa metáfora, una pareja de esos hermosos ancianos mayas que se encuentran en el campo. Él con su sombrero, su camisa y su chaqueta, con su bastón característico, y un calabazo al hombro: regala agua con generosidad a los transeúntes sedientos. Ella, con su hipil, y el rebozo en los brazos, los hombros o la cabeza. Aquí ese rebozo característico le sirve a proteger del frío todos sus hijos. Esta pareja de ancianos da así el fresco y el caliente también, cuando se necesita, a todos los hombres, sea los extranjeros sea su propia familia. Simbolizan toda la generosidad de la nación maya, y quizá también aluden a la primera pareja del Popol Vuh.
Después de esas imagines largas, el estilo se estrecha, se hace encantación, ki'ichkelem k'aay. La lengua de Sasil Sánchez está asimilada a todo lo que hace la civilización maya: la Gran Ceiba eje del Universo, y el maíz, del cual, según el Popol Vuh, fue hecho el hombre. 
La lengua maya es así lo que lleva la cultura maya, que sostiene la vida de cada día y la cadena de las generaciones. Esta lengua es la lengua de la literatura y de la poesía maya: es, por la escritora, su vida misma.

Commentaire

In t'aan Ma langue : c'est bien sûr le langage et non la partie du corps. C'est pour qu'il n'y ait pas d'ambiguité que S. Sánchez a utilisé "extensión" dans son premier vers espagnol. Je reste plus près du maya en français en utilisant "lambeau". Junkóots veut en effet dire un fragment arraché (au corps), dont elle compare la nécessité à celle des jambes ou du visage. 
Mais sa langue (langage) n'est pas seulement issue de sa langue (partie du corps). Elle est, par une belle métaphore, un couple de ces beaux vieillards mayas que l'on rencontre dans la campagne. Lui avec son chapeau, sa chemise et sa veste, son bâton caractéristique, et une calebasse à l'épaule: il étanche généreusement la soif des passants. Elle avec son hipil, et l'écharpe qu'elle drape sur ses bras, ou sur ses épaules, ou dont elle se couvre la tête. Et ici l'écharpe sert à protéger du froid tous ses enfants. Ce couple d'anciens donne ainsi le frais ou le chaud quand il le faut, à tous, aux étrangers ou à leur propre famille. Ils symbolisent toute la générosité de la nation maya, et peut-être sont-ils aussi une allusion au couple primordial du Popol Vuh.
Après ces images amples, le style se resserre, se fait incantation, ki'ichkelem k'aay. La langue de Sasil Sánchez s'assimile à tout ce qui fait la civilisation maya: la Grande Ceiba axe de l'Univers, et le maïs, dont, d'après le Popol Vuh, l'homme a été façonné.
La langue maya est ainsi ce qui porte la culture maya, ce qui soutient la vie de tous les jours et l'enchaînement des générations. Et cette langue est la langue de la littérature et de la poésie maya: elle est, pour l'écrivaine, sa vie même.

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