vendredi 22 mai 2015

Maria la Sapita, cuento maya / Marie la Grenouille, conte maya


Il était une fois un homme et sa femme, ils étaient très pauvres...
Hubo una vez un hombre y su esposa, eran muy pobres...
Yan túun bin juntúul nojoch wíinik yéetel u yatan, chéen ba'ale' jach óostilo'ob...

L'homme était charbonnier, ils ne vivaient que de la vente du charbon. Ils étaient mariés depuis longtemps mais n'avaient pas d'enfant, et l'homme de se plaindre que sa femme ne pouvait même pas mettre au monde une petite chienne ou une petite grenouille...
El trabajo del hombre consistía en quemar carbón, solamente de la venta del carbón vivían. Se habían casado desde mucho tiempo y aun no tenían hijos. El esposo se lamentó de que su mujer ni siquiera una perrita o una sapita podía parir...

Alors elle mit au monde une petite grenouille très mignonne.
Entonces dio a luz una sapita muy bonita.
Ka tu yaalintaj juntúul chan ch'úupul muuch jach jats'uts

L'enfant est appelée Marie la Grenouille X-Maria muuch, et c'est le titre du conte de Domingo Dzul Poot que je vous résume ici.
La niña recibe el nombre Maria la Sapita, X-Maria muuch, y es el título del cuento de Domingo Dzul Poot que les resumo aquí.

Quand la grenouille grandit, elle contribue beaucoup au travail de la maison: laver et moudre le nixtamal (maïs lavé dans un mélange d'eau et de cendres ou de chaux pour préparer les tortillas); faire les tortillas; chercher du bois; cuisiner le pozole de son papa (la boule de pâte qui diluée allège la faim du travailleur)...
Cuando creció la sapita, hizo mucho en la casa: lavaba nixtamal y lo molía; hacía las tortillas; iba a leñar; sancochaba el maíz para el pozole de su papá...
ku p'ooik k'u'um, ku juch', ku pak'ach, ku bin j-si', ku chakik u yóoch k'eyem u taataj...

... Elle le portait sur sa tête enveloppé dans une serviette là où il travaillait, en passant devant le palais du roi, et cela chaque jour. Un jeune fils du roi la regardait passer, et un jour il la suivit par curiosité.
... Se lo llevaba envuelto en una servilleta puesto sobre la cabeza hasta el lugar donde él trabajaba, pasando enfrente de la casa del rey: así sucedía todos los días. Un joven hijo del rey la miraba cuando pasaba, y un día él la siguió por curiosidad.

Il vit qu'elle arrivait à une sarteneja dans la forêt, enlevait (pour se baigner) la peau de grenouille qui la couvrait, et se transformait en très belle jeune fille.
Vio que llegaba a una sarteneja en la selva, que se quitaba la piel de sapita que la cubría, y se volviera una muchacha muy hermosa.
ka'a tu yilaje' u k'uchul X-Maria muuch tu yiknal jump'éel jaltúun te'e j-k'axo', ka'a tu píitpaytaj bin u sóole', ka'a sunaj juntúul x-ch'uupal jach ki'ichpam.

Ses yeux étaient comme les fruits noirs du savonnier (sapindus saponaria), son corps était svelte comme une palme de guano, ses cheveux étaient pareils à ceux d'un épi de maïs qui commence à mûrir.
Sus ojos eran semejantes a los frutos negros del jaboncillo (sapindus saponaria), su cuerpo tenía la esbeltez de una palmera de guano, y sus cabellos eran como los cabellos del elote cuando entra a madurar.
U yicho'obe' bey bin u nek' sijune', u winklile' toj báats'e'en bey junkuul xa'ane', u tsóotsel u póole' bey u tsuuk nal tu yóok'ol u k'antale'.

Le fils du roi veut l'embrasser, mais dès que Marie a fini son bain, elle saute dans sa peau et redevient grenouille, met le pozole sur sa tête et s'en va. Tous les jours la scène se reproduit. Le jeune homme veut dérober la peau pour empêcher la métamorphose, mais chaque fois il arrive trop tard. Il décide de l'épouser, toute grenouille qu'elle est, pour lui dérober plus facilement son vêtement. Pour cela il gagne sa confiance puis son amour en l'aidant à porter le pozole, et en la laissant comme elle le souhaite à l'entrée du village. Finalement il fait à la grenouille sa demande en mariage, et l'acceptation est spontanée.
El hijo del rey quiere ir a abrazarla; pero María termina de bañarse y de un brinco se mete otra vez en su pellejo y se torna de nuevo en una sapita, pone el pozole sobre su cabeza y se va. Todos los días es el mismo. El muchacho quiere robar la piel para impedir que se transforme, pero cada vez no llega a tiempo. Decide entonces casarse con ella, así siendo sapita, para robarle su vestimenta más fácilmente. Por eso, gana su confianza y su amor ayudándola a llevar el pozole, y dejándola como ella lo pide en el cabo del pueblo. Al fin el muchacho pide su mano a la sapita, y ella lo acepta muy espontáneamente.

"Bien sûr que oui! Moi aussi il y a longtemps que je sens que je t'aime!"
"¡Claro que si! Yo también hace tiempo que siento quererte."
"Bin máak túun. Tak teene' úuch kin wu'uyike' in yakunmech xan."

Le jeune homme danse et saute de joie en annonçant la nouvelle à sa famille, mais celle-ci le prend mal: "Serais-tu un crapaud pour te marier avec une grenouille?" Cependant, comme il menace de se suicider, ses parents vont demander la main de Marie à sa famille. Après la fête, les jeunes époux vivent au palais.
El joven baila y brinca de alegria, dando la noticia a su familia, que, molesta, le dijo: "¿Eres acaso sapo para que te cases con una sapita?" Sin embargo, amenaza de matarse, y sus padres entonces van a pedir la mano de María a su familia. Después de la fiesta, la pareja se queda a vivir en la gran casa del rey.

Mais quand le prince est sorti, ses soeurs jettent la grenouille dans la cour, et elles déversent sur elle l'eau chargée de cendres du nixtamal, les ordures ménagères et le contenu du pot de chambre. Au retour, son mari la baigne et la soigne très tendrement. Mais Marie demande qu'ils aillent vivre chez ses parents: la maison est pauvre, le prince doit devenir charbonnier pour vivre, mais là, il y a le bonheur.
Pero cuando el principe salía, sus hermanas botaban la sapita al patio de la casa, y encima de ella tiraban el agua del nixtamal, y la basura, y el contenido de la bacinilla. Volviendo, su esposo la bañaba, la acariciaba con mucho cariño. Sin embargo María pide que su marido la lleve a casa de sus padres. La casa es pobre, el principe tiene que vender carbón para vivir, pero ahí hay felicidad.

Toutes les nuits, le mari espérait dérober la peau de grenouille, mais il s'endormait avant sa femme et se réveillait après elle. Un jour cependant, très fatigué, il s'endormit aussitôt et se réveilla avant elle. Dans le noir, il cherche la peau, l'attrape, et la déchire instantanément.
Todas las noches, el marido esperaba robar la piel de sapita, pero se dormía antes de su esposa, y despertaba después de ella. Sin embargo un día que estaba muy cansado, se durmió en seguida y despertó antes de María. En la obscuridad busca la piel. Tocándola la agarra y la rompe al instante.

Marie la grenouille se réveilla de douleur. Voyant ce qui s'était passé, elle éclata en sanglots.
María la sapita se despertó por el dolor. Al ver lo que había pasado, estallo en llanto.
Le túun bin ku yaja x-Maria muuch yéetel u yajil. Le ka'a tu yilaj ba'ax úuche', ka'a j-túup' yok'ol.

Son mari la console en lui donnant une robe digne d'une fille de roi, et Marie était la plus belle femme au monde. Il la présente dans sa forme humaine aux parents de la jeune femme en leur disant:
Su esposo la consoló dandole un vestido digno de una hija del rey, y María era la más bella del mundo. Él la presentó en su forma humana a los padres de María, y les dijo:

"J'ai détruit tout enchantement. Cette malédiction n'a disparu que grâce à la bonté de sa mère qui n'a pas gardé rancune à qui l'avait fait peser sur sa fille."
"He quitado sobre ella todo el hechizo. Esta maldición se apartó de ella solamente por la bondad de su madre, quien no guardó dureza de corazón contra quien había echado maldición sobre su hija."
"Ts'o'ok in luk'esik yóok'ol tuláakal áak'ayil. Le bine' áak'ayilo' j-luk' yóok'ol X-Maria muuch tumen u mamae' ma' ancha ts'u'uyul puksi'ik'al ti', tu yóok'ol le máax tu ts'i'iboltaj k'asil yóok'olo'."

Marie et le prince vont alors au palais royal. Tous y demandent pardon à Marie, et on fait une nouvelle noce. Marie abandonne le surnom de Grenouille.
Entonces María y el principe se van a la casa del rey. Ahí todos piden a María que les perdone, y comienza una nueva boda. Maria se quita el nombre de Sapita.

Marie et son époux s'aimèrent d'une tendresse à nulle autre pareille...
María y su esposo se amaron con un cariño como ningún otro en el mundo...
Maria yéetel u yichame' jach tu jaajil tu yákunsajubao'ob je'ex mix máak yóok'ol káabe'...

xxx

Commentaire / Comentario

Une jeune fille métamorphosée en grenouille qui épouse un prince? Ne serait-ce pas un conte connu?
Una muchacha transformada a sapita, que se casa con un principe. No sería eso ¿un cuento conocido?

On pense tout de suite au conte russe de la Princesse-Grenouille dont plusieurs versions ont été recueillies par Afanassiev, ou sous une forme plus simple aux Trois Plumes de Grimm, au Lac enchanté conte grec de G. Megas, ou encore au Prince qui épousa une grenouille publié par Italo Calvino.
Dans tous ces contes, le jeune homme rivalise avec ses deux frères pour trouver une épouse, et le sort lui attribue cette grenouille. Contre toute attente, la grenouille triomphe des deux autres princesses dans deux épreuves. À la troisième, épreuve décisive, la grenouille se montre en femme dans toute sa beauté. Cette structure ternaire se retrouve dans toutes les versions. Mais en outre dans les contes russes, le prince détruit avant l'heure voulue la peau de grenouille, ce qui fait rebondir l'enchantement et une nouvelle quête commence, jusqu'aux retrouvailles finales.
Ce schéma de conte porte le n° 402 ("la fiancée animale") de la classification ATU. Mais que de différences avec notre conte! Pas de structure ternaire dans X-Maria muuch, pas d'épreuve à surmonter pour épouser la grenouille. Et la destruction de la peau de grenouille efface l'enchantement au lieu de le faire rebondir. Il faut chercher ailleurs...

Pensamos de inmediato al cuento ruso de la Princesa-Rana con varias versiones recogidas por Afanassiev, o el más sencillo que se encuentra en Grimm (Las tres plumas), en Grecia (G. Megas, El lago encantado) o en Italia (Italo Calvino, El principe que se casó con una rana).
En todos esos cuentos, el joven rivaliza con sus dos hermanos para encontrar a su esposa, y el suerte le atribuye una rana. Contra todo pronóstico, la rana triunfa sobre las dos otras princesas en dos pruebas. En la tercera, decisiva, se muestra en su forma de mujer y toda su belleza. Esa estructura ternaria figura en todas las versiones. Pero también, en los cuentos rusos, el principe rompe ante hora la piel de rana, lo que renueva el hechizo, y comienza una nueva búsqueda, hasta el reencuentro final.
Este esquema de cuento tiene el n° 402 ("La novia animal") en la clasificación ATU. Pero ¡cuantas diferencias con nuestro cuento! No estructura ternaria en X-Maria muuch, no pruebas para casarse con la rana. Y la destrucción de la piel de rana no renueva, sino borra el hechizo. Hay que buscar en otra parte...

En revanche, le conte n° 409A de la classification ATU ("la fille comme chèvre") est bien notre schéma de conte, même si la grenouille n'est pas mentionnée par Uther. En effet, une femme sans enfants en souhaite un même si c'est un animal. Elle met au monde une petite fille sous forme animale. Un jeune homme observe celle-ci quand elle a retiré sa peau et s'éprend d'elle. Il la demande en mariage et l'épouse. La mère du jeune homme n'approuve pas le mariage et tourmente la jeune mariée. À quelques légères nuances près, c'est le thème de X-Maria muuch.
Mais ensuite le schéma diverge et l'on retrouve une structure ternaire si chère au conte occidental. Trois fois la jeune femme danse dans une fête sous sa forme humaine, deux fois elle peut s'échapper; à la troisième le prince détruit la peau d'animal et désenchante sa femme: autre similitude donc avec X-Maria muuch, la destruction de la peau par le prince guérit la jeune femme. Uther cite 23 pays où ce schéma est attesté, y compris Cuba et le Mexique (Jalisco, où le conte, une petite chienne au bal, est très différent), mais il ne mentionne pas le conte maya.

Sin embargo el cuento n° 409A de ATU ("la muchacha como cabra") es el esquema de nuestro cuento, aunque Uther no mencione alguna rana. En eso, una mujer sin hijos desea tener uno aunque sea un animal. Da a luz una hija que tiene forma de un animal. Un día, un joven la mira cuando se quita su piel. Pide su mano y se casa con ella, pero la madre del joven desaprueba el matrimonio y tormenta a la muchacha. Es de verdad casi el tema de X-Maria muuch. 
Después es un poco diferente: volvemos a encontrar una estructura ternaria que le gusta tanto al cuento de Europa. Tres veces la muchacha danza en una fiesta con su forma humana, y dos veces puede huirse. Pero a la tercera el principe rompe la piel y el hechizo. Aquí entonces vemos otra similitud con X-Maria muuch, pues romper la piel cura a la muchacha. Uther cita 23 países en donde se encuentra ese tema, entre otros Cuba y Mexico (Jalisco en donde el cuento, una perrita que baila, es muy diferente), pero no menciona el cuento maya.

Si le schéma est connu, X-Maria muuch est cependant, et c'est ce qui me plaît, un conte très original, typiquement maya.
D'abord peut-être parce que la grenouille et le crapaud sont très présents dans les histoires d'animaux chez les Mayas.
Ensuite parce que le cadre est fortement caractérisé. Toute grenouille qu'elle soit, Marie est vraiment une jeune maya de la campagne, avec ses activités très caractéristiques, laver, s'occuper des tortillas, aller chercher du bois. Sa beauté humaine est comparée aux plantes locales, le palmier qui sert à couvrir les toits des maisons (xa'an), le fruit d'un arbre typique, et enfin le maïs, qui est l'aliment de base et la culture principale.
Toute l'intrigue tourne autour de son papa. C'est lui qui lance la malédiction (et non sa femme), c'est son travail dans la forêt, à brûler le bois pour faire du charbon, un métier de pauvre, qui noue l'action. En lui apportant chaque jour le pozole de son déjeuner, la boule de pâte (k'eyem) qui délayée dans l'eau calmera sa faim, Marie montre sa tendresse et son sérieux. Et ce faisant, elle rencontre le prince et le séduit à son insu. Quant à la sarteneja (jaltúun) dans laquelle elle se baigne, de l'eau de pluie accumulée dans une pierre creuse, qui est plus à la taille d'une grenouille que d'une jeune fille, elle fait partie du paysage de la selva. C'est encore le métier de charbonnier qu'adopte le prince, puisque telle est ici l'épreuve par laquelle il mérite de conquérir vraiment sa femme et de rompre l'enchantement. Si le palais du roi est au quotidien pour Marie le lieu de la saleté et de la tristesse, l'humble chaumière de ses parents devient pour le jeune couple le lieu du bonheur.
C'est finalement cette apologie simple de la modestie et de la tendresse qui me séduit le plus. Les réactions des parents de Marie et celles des jeunes gens sont toutes de spontanéité, dans la générosité, la dignité et l'amour vrai. On est loin des clinquants convenus d'une féérie. Et si le destin des héros est un destin de conte, c'est non parce qu'ils "se marièrent et eurent beaucoup d'enfants", comme on le voit d'ordinaire, c'est parce que leur tendresse se révèle à toute épreuve.

Si su esquema está conocido, X-Maria muuch está sin embargo, lo que me gusta, un cuento original y típicamente maya. 
Quizá primero porque la rana y el sapo son muy frecuentes en historias de animales en el mundo maya.
Después porque el ambiente es muy típico. Aunque siendo sapita, María es una verdadera muchacha maya del campo, con sus actividades típicas, lavar, tortear y leñar. Su forma humana se parece a cosas de la naturaleza maya, el guano con lo cual se cubren los techos (xa'an), el fruto de un árbol típico, y el maíz, el alimento y el cultivo esencial. 
Toda la intriga se trama alrededor del papá de María. Él es la causa del hechizo (y no la mujer). Sobre todo es su trabajo en la selva, quemar carbón, un trabajo de hombre pobre, que urde la acción. Llevando cada día a su papá su pozole (k'eyem), la bola de masa que diluida al agua calmará su hambre, María muestra su cariño y su seriedad. Haciendo eso, encuentra el hijo del rey y a sus espaldas lo seduce. Y la sarteneja (jaltúun) en la cual se baña, que es la lluvia acumulada en una piedra hueca, y que es más al tamaño de una sapita que de una muchacha, hace parte del paisaje de la selva. Después, el hijo del rey también quema carbón, eso es la prueba que permite que pueda conquistar su esposa de verdad y romper el hechizo. El palacio del rey es para María el lugar de la suciedad y de la tristeza. La humilde choza de sus padres es para la joven pareja el lugar de la felicidad.
Este elogio de la simplicidad y del cariño es finalmente lo que me gusta más en ese cuento. Las reacciones de los padres de María y de los jóvenes son siempre espontáneas y simpáticas, hechas de generosidad, de dignidad, de amor sincero. Estamos muy lejos de los cuentos de hadas cantosos y convencionales. Si el destino de los héroes es un destino de cuentos, no es porque "se casaron y tendieron muchos hijos", como se lee generalmente, sino porque su cariño es verdadero.

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